Regards sur nos assiettes

Pour consulter les informations sur la sortie du film cliquer ICI

Alimentation et territoire :

les jeunes au coeur d’un projet numérique innovant

 

-Un film à la télévision et au cinéma
-Une ressource numérique innovante
-Un dialogue entre art et science
-Une entrée cumulative artistique et citoyenne

Médiation culturelle et scientifique à partir d’une expérience de co-création artistique.

« Regards sur nos assiettes » est un documentaire de création réalisé par Pierre Beccu avec 6 étudiants en Géographie qui ont été mis au coeur du dispositif de réalisation pendant quatre ans.

Le film a été diffusé sur France 3 en version 52 minutes, sous le titre « les pieds dans le plat », et va sortir en salles fin 2014 en version 90 minutes. Il fera l’objet d’un travail de terrain approfondi, projections scolaires en journée et publiques en soirée, accompagnées par les étudiants eux-mêmes.

La sortie salles sera doublée d’une médiation numérique innovante, dans le cadre du partenariat avec les CCSTI de la Région Rhône-Alpes. Partant de l’oeuvre et de ses multiples déclinaisons, les enfants et les jeunes des territoires seront appelés à participer à la réflexion sur la portée culturelle et scientifique de l’enjeu agriculture – alimentation – santé.

 

Pitch du film :

Six étudiants enquêtent sur l’alimentation. De l’assiette au sol, les jeunes remontent la filière des aliments et montrent les conséquences de nos choix de consommateurs sur la santé, l’économie, le social, l’environnement, la qualité de vie ou les paysages. Avec humour et responsabilité, ils interrogent sans culpabiliser, et informent sans donner de leçons.

La Bande Annonce

La démarche du film

Le point de départ est un atelier réalisé à partir de 2010 avec 6 étudiants en Géographie d’Annecy (Haute-Savoie, Rhône-Alpes), qui ont étudié les impacts de notre consommation alimentaire sur tous les aspects de la vie.

Nous avons apporté nos outils, notre savoir-faire, notre expérience. Nous avons construit avec les jeunes la possibilité d’exprimer quelque chose de profond, de sincère, de fort, en rapport avec le monde qui les entoure, raconté une histoire qu’ils sont les seuls à pouvoir raconter, de cette façon là au moins. De cette unicité est né leur légitimité, qui était fondamentale pour braver les difficultés et aller au bout.

Le désir de film s’est transformé en énergie. Ils ont travaillé dur, non pas pour faire partie d’un projet, mais pour constituer et construire leur propre projet.

Les jeunes ont été formés. Ils ont tourné et monté des séquences entières. Ils ont géré l’histoire jusqu’à l’écran. Un documentaire s’écrit jusqu’aux finitions. Ils ont vu et revu le montage et décidé des coupes à faire.

Il est possible d’engager un processus de création avec les enfants et les jeunes qui aille bien au-delà de la simple éducation artistique, sans pour autant les amener à se considérer artistes ou cinéastes.

Selon la longueur du dispositif, la difficulté de la narration, les intérêts pour les aspects techniques, les jeunes sont réalisateurs ou non, mais ils sont toujours auteurs.

regards

Croquis réalisé par un étudiant.
Par la curiosité, la perception et la prise en main des outils et des récits, les jeunes deviennent auteurs d’eux-mêmes tout d’abord, et du monde à construire ensuite. 

Pierre Beccu, cinéaste passeur

Auteur et réalisateur de deux long-métrages de fiction pour le cinéma, Pierre Beccu a également signé une trentaine de documentaires pour le grand écran et la télévision. Depuis 1997, il mène régulièrement des expériences d’ateliers avec les enfants et les jeunes, en les plaçant au coeur du dispositif de création d’un récit cinématographique.

Pierre Beccu a étudié le cinéma à Paris III, puis en Italie, où il a fait partie de la première promotion du « Groupe BASSANO – Ipotesi Cinema », créé et dirigé par Ermanno OLMI, le réalisateur de « L’arbre aux sabots ».

Il vit entre Paris et la Savoie, dont il est originaire. Il est également le Président fondateur de la Cinémathèque des Pays de Savoie.

Voir un aperçu de son travail :

Du Lycée Thomas Edison d’Echirolles à l’IER de Poisy : 17 ans d’expérimentation irriguée par une pensée humaniste.

En 1997, une classe du Lycée Thomas Edison d’Echirolles, dans la banlieue de Grenoble, envisage de gravir le mont Nevado Koppa, au Pérou. Le Lycée contacte France 3 Montagne pour proposer à la chaine de réaliser un documentaire sur l’aventure. La rédaction s’apprête à décliner, car l’expédition est longue et aléatoire. Pierre Beccu, alors en montage à France 3, propose de former les élèves à la caméra tout au long des courses d’entrainement, de façon à ce qu’ils filment eux-mêmes leur expérience une fois au Pérou. Trois lycéens prennent la responsabilité du tournage, tout en s’engageant à prêter régulièrement la caméra à leurs collègues. Le réalisateur reste en France et communique avec les jeunes par l’intermédiaire d’un carnet de bord. Le film final, d’une durée de 52 minutes, entièrement tourné par les élèves, est diffusé sur France 3 en national.

EXTRAIT « MON LYCÉE C’EST LE PÉROU »

Le coeur du dispositif : par la curiosité, la perception et les récits, les jeunes deviennent auteurs d’eux-mêmes tout d’abord, et du monde à construire ensuite. 

Le film entendait raconter l’expédition, et forcément l’objectif s’est focalisé au fil des mois sur l’arrivée au sommet. Sur place, au summum de la tension, les élèves qui filmaient ont raté l’objectif. Seuls trois élèves sont parvenus au sommet, mais aucun parmi l’équipe film. Le professeur d’EPS, chef d’expédition railleur et autoritaire, reproche alors ouvertement aux trois réalisateurs de ne pas avoir « assuré » l’exclu du sommet à l’image. Tout au long de l’expédition, aidé par le carnet de bord quotidien du réalisateur resté en France, les jeunes ont lutté contre le chef pour garder la main sur leur récit. L’objectif des jeunes se déporte alors vers la conquête de leur propre liberté d’expression, qui s’exprime dans le défi final du bain purificateur dans le lac.

Ces élèves issus d’un lycée difficile de la banlieue de Grenoble ont été marqués par l’expérience. Certains ont construit leur projet de vie en s’inspirant de l’expédition et de l’expérience du documentaire.

 

Récit et Matière : Dialogue entre expression artistique et science 

A/ Le film « Regards sur nos assiettes » est un accès facile à la relation agriculture, alimentation, santé, par et pour les jeunes.

  Ici, les jeunes sont auteurs du récit documentaire de la relation entre leur alimentation et le territoire.

FondForme

Croquis réalisés par Marion durant la phase de préparation.

Un manque existait, les jeunes étaient difficiles à toucher sur la thématique de l’alimentation, pourtant essentielle. Ils étaient souvent indifférents, voire provocateurs. Ce film les touche et véhicule un certain espoir.

L’alimentation est un enjeu relationnel central de la relation parent – enfant. Dans la construction de l’être, dans son ouverture au monde, dans son positionnement social, l’alimentation est souvent utilisée comme un levier psychologique. Nous sommes passés de « Si tu ne manges pas tes épinards… » à « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? »

Le laboratoire Ludoscience a publié en 2010 une étude nommée « Serious Game & Fun Food. Une approche exploratoire de la diversité des liens ». Olivier Rampnoux, Julian Alvarez, Damien Djaouti y étudient une cinquantaine de serious game ayant pour thématique l’alimentation.  

Lien vidéos :

http://uptv.univ-poitiers.fr/program/consommations-alimentaires-cultures-enfantines-et-education/index.html

Et plus précisemment l’intervention des trois chercheurs :

http://uptv.univ-poitiers.fr/program/consommations-alimentaires-cultures-enfantines-et-education/video/2239/serious-game-fun-food-une-approche-exploratoire-de-la-diversite-des-liens/index.html

Il en résulte une difficulté à concerner les jeunes au-delà du jeu.

La relation à l’agriculture est complexe, car elle est conditionnée par la mutation sociologique de notre pays. Selon l’état de notre relation au monde rural, le paysan est soit idéalisé soit stigmatisé. Il est le jardinier du paysage ou un empoisonneur professionnel.

Il faut reconnaître que le métier d’agriculteur a tellement évolué qu’il est parfois difficile d’identifier la nature de la relation à la terre qui est en jeu dans les pratiques.

Les français sont préoccupés en premier lieu par l’alimentation. Quand on les interroge, ils émettent plus de questions que de réponses. Au départ, nous voulions montrer ce questionnement. Partir d’un constat. En tournant quelques micros trottoir en guise d’essais, nous avons constaté que les questions contenaient surtout des peurs. Même si les peurs sont légitimes, il n’est pas simple d’obtenir des réponses sérieuses dans un postulat anxiogène.

Il nous est apparu évident que la démarche de questions-réponses devait au départ se débarrasser de la culpabilité, de la peur et revêtir un caractère spontané, teinté d’humour mais aussi rigoureux et acharné.

Extrait 2 : Les étudiants sont entre eux. C’est l’un d’eux qui est derrière la caméra. Ils sont décomplexés, différents, unis, mais pas indifférents. L’alternance avec les données chiffrées les inscrit dans un monde plus global et lance le sujet. 

 

Notre devise sur le film aura été du début à la fin :
Pour rendre accessible, il faut construire l’accès.
RELIER, c’est construire l’accès.

 

L’accès par le fond – progression du récit

Le schéma du film est le fruit d’un très long processus de co-création. Au départ, les étudiants ont visionné bon nombre de films traitants de la thématique, ils ont lu des ouvrages, ils ont participé à des conférences, ils ont rencontré des spécialistes. Rapidement, ils ont exprimé ce qu’ils ne voulaient pas faire. Ils souhaitaient respecter ce qui a été fait et s’en nourrir mais se démarquer très fortement des démarches directement militantes. L’idée était de sortir du cercle des convertis pour s’adresser à un public habituellement indifférent au ton politique, anxiogène ou culpabilisateur.

Toutes les rencontres de spécialistes, d’associations, de producteurs, de transformateurs ont été initiées et organisées par les étudiants eux-mêmes. Elles ont permis mettre en place une réflexion constructive sur ce qui était juste et légitime de faire de la part d’étudiants. Le trajet de l’assiette au sol a été retenu, avec le principe des questions importantes à se poser :

  •  Qu’y a-t-il dans mon assiette ?
  • Est-ce que je me nourris bien ?
  • Comment s’est fait ?
  • D’où ça vient ?
  • Qui ça fait vivre ?
  • Quelle est la relation entre ce que je mange et ce qui m’entoure ?

Pour ne pas risquer de se perdre dans une thématique aussi large, il a été décidé de trouver au maximum les réponses à côté de chez soi, là où l’on est censé se nourrir. C’était une façon de rester connecté à la préoccupation première des français, et de relier la nourriture elle-même, et les informations et les réflexions sur la nourriture.

Les étudiants ont rencontré des patrons de grande surface, de supérettes, des négociants sur les marchés, des responsables de groupements et des producteurs. Ils ont déniché et valorisé des expériences innovantes. Ils ont à la fin du film formulé les questions qui leur paraissaient les plus pertinentes pour avancer dans une meilleure relation citoyenne à l’alimentation :

  • Comment être certain que le saucisson de Savoie est bien fait avec de la viande locale ?
  • Est-il possible de tracer la matière première, comme on étiquette les baisses de prix ?
  • Comment savoir si les légumes que l’on mange ont poussé dans la terre ou dans des pains de coco ?
  • De quoi est composé le minerai de viande des lasagnes ?
  • D’où vient exactement le blé des pizzas ?

Pour finir, ils ont permis d’engager la réflexion sur des défis directs qui se posent à nous, notamment la restauration collective.

Ils sont partis en stage à l’étranger à la fin du tournage. A la fin du film, de Nouvelle Zélande, de République Tchèque, du Canada ou d’Andalousie, ils communiquent d’une façon drôle sur le caractère universel de la démarche.

Le mouvement final du film est établi ainsi :

  • Constats
  • Questions Réponses. Différence entre information et communication
  • Pratiques de terrain – Innovations
  • Propagation des pratiques – Modèle économique innovant (restauration collective)
  • Valorisation des pratiques et espoirs
  • Sens donné aux pratiques – Sens donné à la vie

Au final le mouvement du film peut être repris et analysé. Il peut être développé et enrichi. (voir médiation interface internet et webdoc cumulatif)

L’accès par la forme – esthétique du pain

Trois photogrammes pour trois moments de cette scène centrale du film : la rencontre avec le boulanger Paul Rochet.

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1/ Le boulanger et son employé sont dans leur élément. Les jeunes ne semblent pas les déranger et en même temps tout ne semble pas organisé ce jour-là pour les caméras, comme sur les émissions de talk show. La situation est la plus normale possible sur le plan de la réalité, mais semble décalée sur le plan de la représentation. Les jeunes sont en situation de façonner de la pate (Travaux Pratiques). Ils sont gauches, le boulanger et son employés sont à l’aise, mais tous ont droit à la même image et au même traitement. La caméra ne stigmatise pas les uns, ne glorifie pas les autres. Les façonneurs réunis sont reliés dans le même plan séquence. Il est juste et naturel que le boulanger sache faire et que l’étudiant soit en situation d’apprendre. Au lieu de donner de la voix sur ce qu’il faut faire, le boulanger parle de sa passion. L’étudiant apprend par lui-même en écoutant l’artisan. Il n’y pas de questions à proprement parler. Ce sont les mains et les regards qui posent les questions, dans un échange complice. Les ryhmes ne sont pas ceux du tournage ou de la télévision. On sent que le temps de la scène est le temps de la fabrication du pain. On sent que le pain est plus important que tout. Rien n’est bousculé, et tout finira par se faire, par se dire.

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2/ Le boulanger travaille et parle en même temps. Il est dans son élément. Les étudiants n’ont pas de place assignée dans le cadre, dans la pièce. Florian flane au coin du four, et le boulanger lui propose de défourner. Naturellement. Est-il capable ? La question ne se pose pas. Il a pétri, façonné, il sera donc capable de défourner, avec l’attention et la précaution de celui qui a fabriqué. Non seulement il est capable, mais il est légitime pour défourner. Et le boulanger de re-pétrir de son côté une autre histoire.

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3/ Florian sent le pain. En ayant défourné, disposé les pains, manquant presque de se brûler, Florian a envie de sentir et goûter. On comprend avec lui que le goût viendra après l’odeur, car on ne goûte pas un pain bouillant. En sentant le pain, et en mettant des mots sur ce que ses sens perçoivent, Florian provoque la synthèse de la scène. Ce qui est innovant dans le pain de Paul Rochet, c’est que les arômes fabuleux qu’il dégage sont tous naturels.

Pour le non initié, pour le non intéressé, l’accès est rendu explicite, abordable, palpable, familier, évident.

La synthèse de la séquence du pain :

En trois images, ou en trois minutes, nous passons du TP à l’exposé vivant. Nous n’avons plus affaire à un discours qui démontre et veut convaincre, par la peur, la morale ou la politique, mais à une réalité reliée entre le geste, la parole et le sens. Qui peut s’opposer à ce que dégage le boulanger ?

 

B/ Le documentaire est un outil pédagogique en soi.

Il n’est pas inutile de le rappeler aux jeunes générations, le cinéma est né et a grandi sous la forme documentaire. Des frères Lumière à Vertov, de Flaherty à Rossellini, de Wiseman à Pazienza, le documentaire a sans cesse renouvelé les formes et les récits à l’écran.

Le réel est inépuisable et le cinéma aussi. Le point de vue, le champ et le hors champ, les rythmes, les unités narratives, la place du spectateur, toutes les questions posées par le documentaire valent pour la vie entière.

Faire oeuvre documentaire avec les jeunes permet d’inventer des chemins  nouveaux. Avec ce film en particulier, on peut donner et prendre au réel, nourrir et se nourrir. La relation à l’alimentation autorise toutes les métaphores. La plus importante est celle du partage du plaisir.

Rappel du processus de création :

  • Se différencier des documentaires traitant de cette thématique
  • Construire le discours par les rencontres de terrain, et non pas derrière un bureau
  • Laisser la vie s’exprimer à l’écran avec ses propres rythmes
  • Le point de départ : pique nique et statistique
  • Questions : réponses ou pas.
  • Où sont les réponses les plus valides ?
  • Contenu des scènes : celui qui fabrique peut aussi parler
  • Progression narrative
  • Le sens donné

Le film est un exemple, un modèle, une source d’inspiration, de réappropriation de sa place dans le monde par la curiosité, la perception.

Le travail sur le film, présent mais pas visible : rigueur, justesse, vérité.

En art comme en science, la réussite est un alliage entre rigueur et inventivité.

Il est possible de spécifier l’analyse du film pour tous les niveaux scolaires, à partir d’autres extraits.
En fonction des questions, on peut parler plus du langage des images ou plus de l’alimentation. Au final, les approches se rejoignent souvent.

  • Comment fabriquer le gourmand à l’image?
  • Comment est filmé l’animal ? Animal vivant ? La viande ?
  • Comment sont filmés les paysages ? Beaux ou pas ? Urbains ou champêtres ? Les deux ?
  • L’équilibre de la nature peut-il se retrouver dans les images ? Comment ?
  • Un légume doit-il être d’abord beau ou d’abord bon ?

Ce qui est en jeu ici, c’est l’expérience fondatrice du sentiment de compréhension.

Le parcours n’est pas didactique, mais expérimental.
Les jeunes ont appris par l’action, l’expression artistique est une expérience de compréhension du monde.

 

C/ Le dialogue entre expression artistique et science est un repas partagé

Le langage artistique ou scientifique permet à l’être humain de se comprendre et de comprendre le monde. Il y a ici une co-construction de connaissances, dans un échange équilibré entre soi et les autres, entre le dehors et le dedans, entre la nature et la culture.

Les rythmes changent très vite dans le quotidien des individus. Très tôt, les enfants se familiarisent avec une vitesse de plus en plus grande dans leurs gestes quotidiens. Cela pose problème pour un certain nombre d’apprentissages.

Les rythmes naturels persistent, éternels, comme la nuit, le jour, les saisons. Le travail artistique ou scientifique réintroduit la lenteur comme vertu, et au-delà d’une opposition trop facile entre lenteur et vitesse, réaffirme l’importance de la pensée avant l’acte.

C’est ce que nous avons travaillé tout au long de cet atelier. Prenons l’exemple du montage. Lorsqu’un enfant ou un adolescent est placé devant les écrans de montage, il adopte très vite les premiers réflexes lui permettant de disposer, couper, rythmer. Rien ne s’apparente plus à une console de jeu qu’un programme de montage virtuel. Le jeune monteur est dans l’action, et devant la complexité des choix, du sens qui en découle pour le film, ses mains vont beaucoup plus vite que son cerveau. Il ne comprend plus ce qu’il fait et personne ne comprendra ce qu’il a voulu dire. A ce stade, il est nécessaire de réintroduire la lenteur du geste qui permet de reprendre en main les capacités de la machine pour rester intelligible et efficace. Quand on reprend le pouvoir sur l’outil ou la machine, on redevient potentiellement puissant et en même temps contraint à l’humilité. On se replace à la hauteur qui est la nôtre, c’est à dire la hauteur d’homme.

« La hauteur d’homme » a-t-elle encore une chance à l’écran, dans les représentations ? Et pourquoi il vaudrait mieux que oui.

La hauteur d’homme pour tout le monde ne signifie pas la même hauteur pour tous. Cela signifie simplement que chacun a le droit d’être debout, et qu’il est parfois souhaitable de l’être sans artifices, talonnettes, estrades, piédestal ou chaire.

Le cinéaste qui veut intégrer cela doit être attentif à ce qui se passe dans les recoins de l’image, dans le hors champ. Prenons l’exemple de la scène de Joachim, qui est emblématique de cette démarche. Joachim est le fils de Jérome Peccoux, paysan rencontré par Yoann et Florian dans le cadre de l’enquête sur la filière lait (cf son de repérages plus haut). Durant le repérage, le fils était à l’école. Au moment du tournage, le voici à côté de son père, dès les présentations. Rien n’a été préparé.

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Le cadre réalisé par Clément assigne au petit Joachim un bord cadre bas purement décoratif, à l’égal du tas de bois et des tracteurs. Dans une enquête reportage classique, on dirait : « ce paysan a deux tracteurs, un tas de bois et un fils ». Sage à côté de son père, Joachim joue le rôle du fils de, du figurant. Le père se présente, décrit son exploitation, et le fils écoute. Le regard de Joachim trahit l’impatience. Encore faut-il prendre le temps de regarder dans le champ ce qui, parmi les éléments secondaires, trahit un sentiment. Ici, l’enfant.

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Deuxième moment. Un peu plus loin, au début de la visite de la ferme, voici Joachim qui racle le fumier de la cour, sous la pluie, dans une parka trop grande pour lui. Personne ne lui a rien demandé. Il est en action dans sa propre ferme, et à ce titre, il nous intéresse. Jérome, le père, poursuit sa présentation de la ferme sans y prêter attention.

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Troisième moment. Au détour d’un changement d’endroit, Joachim montre. Que montre-t-il ? Ce qui veut nous faire voir pardi. Et cela mérite bien de laisser de côté un instant le père. Yoann et Clément continuent à écouter le père, tandis que Florian et Pierre suivent Joachim avec la caméra.

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Progressivement, pendant toute la préparation, l’intérêt des étudiants s’est constitué pour valoriser au final dans le film l’intérêt de Joachim pour le métier de son papa.

Joachim est porteur d’une certaine connaissance, dont il assure la médiation avec talent. Combien faudrait-il de castings pour dénicher un « client » pareil ? Ici, c’est l’écoute et la sincérité qui font le travail.

Joachim est aussi le passeur d’un état d’esprit et d’une philosophie, tout comme Florian, Yoann ou Marion.

L’enfant et les jeunes deviennent passeurs de connaissances et prescripteurs d’une certaine curiosité.

La séquence de l’enfant

Modalités de la médiation

L’expérience a profondément marqué les étudiants, qui sont motivés pour devenir les ambassadeurs et les passeurs de leur initiative. Trois d’entre eux seront disponibles pour accompagner le film en salles, pour participer à la médiation numérique et pour conseiller et guider d’autres jeunes dans la démarche cumulative.

La relation entre alimentation et territoire est entrée dans l’actualité pour plusieurs années. Le thème de l’exposition universelle de Milan 2015 est : « nourrir la planète, énergie pour la vie ». Nous travaillons à une visibilité lors de cette manifestation avec la Région Rhône-Alpes, qui est partenaire de notre film.

Diffusion salles

L’originalité de la démarche, le ton spontané des jeunes, leur volonté de connaitre et de comprendre les enjeux relatifs à l’alimentation et aux développements des territoires, a très vite suscité l’intérêt en dehors de l’université. La sortie en salles de cinéma est prévue pour le mois d’octobre. Suite à un vif intérêt de l’ACRIRA qui regroupe les salles Art et Essai de la région Rhône-Alpes, nous pouvons miser sur une cinquantaine de salles pour le diffuser aux écoles en journée et au public en soirée. Les projections seront accompagnées de débats animés par les étudiants eux-mêmes, qui inviteront à chaque fois les acteurs locaux de l’alimentation à venir échanger avec le public. La diffusion s’élargira progressivement sur tout le territoire. Le visa de contrôle du Centre National de la Cinématographie est cours d’obtention.

Médiation numérique innovante

La ressource accumulée lors des quatre années réalisation de l’enquête est une porte d’entrée vers des usages multiples et complémentaires, entre jeu et connaissance, entre culture et territoire, entre le statut de spectateur, d’acteur et d’auteur.

Nous disposons de 40 heures de rushes à partir desquels nous allons réaliser une base de données. Le montage final est l’expression d’un choix qui ne disqualifie pas les « chutes » : dernières coupes, passages ou personnes écartées. Il est intéressant d’opérer une médiation originale pour ramener dans le récit tous les témoins rencontrés : professeurs, spécialistes, conférenciers, agriculteurs, transformateurs, membres d’associations.

Nous voulons organiser et diffuser cette ressource d’une façon dynamique et innovante, par le biais d’une plateforme web incluant :

  • un webdoc où les séquences du film dialoguent avec les commentaires de l’un des étudiants participants, Florian, et de l’enfant Joachim,
  • la base de données d’une sélection des 40 heures de rushes,
  • des métadonnées,
  • un serious game sous forme de quiz,
  • une entrée cumulative

 

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En haut à droite, une forme circulaire représente tout à la fois une assiette fragmentée et un diaphragme ouvert sur l’intérieur de l’interface. L’assiette est fragmentée en 6 parties qui représentent les 6 composantes essentielles de l’alimentation. Ce diaphragme est un quiz qui permet l’entrée dans le site à différents degrés.

En bas à droite, une assiette contenant le signe +, qui invite à apporter des ressources à la plateforme.

A gauche l’entrée pour les adultes, rassurante, académique, à droite l’entrée pour les jeunes ou les enfants, plus ludique et participative. Au final, tous ont accès aux mêmes données.

A droite, on rentre par un scroll qui amène vers trois écrans différents, avec de plus en plus d’accès à la partie cumulative.

L’écran 3 est une entrée vers les séquences du film, fragmentées en autant de thèmes qui raccordent avec le menu de départ : agriculture, alimentation, santé.

Les deux personnages présents : Florian et Joachim commentent et mettent les images en perspectives à des moments clés des séquences, signalés par des curseurs verticaux sur la barre de lecture de la séquence. Bien entendu, on peut lire la séquence en plein écran.

Le dispositif interactif permet à d’autres jeunes de mener eux-mêmes cette expérience de découverte par la relation entre alimentation et territoire.

 

 

 

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